rencontre - Sandrine Vansnick
- Par brasseur-vansnick
- Le 16/06/2021
- Dans infos
Rencontre avec une passionnée
Sandrine Vansnick, clown relationnelle
Le 3 juin dernier, dans le cadre de ses rencontres virtuelles, l’ATO a reçu la visite de Sandrine Vansnick. Ce soir-là, notre comédienne avait coiffé sa casquette de clown relationnelle pour nous parler de cette passion qui l’anime depuis plus de dix ans. Mais qu’est-ce que c’est, au juste, un clown relationnel ?
Je parie que vous imaginez déjà un clown qui débarque avec ses grandes godasses, qui braille d’une voix nasillarde bonjour les petits enfants ! et puis, qui sort du fond de ses poches tout un tas de bidules qui font splash et pouët-pouët… Sauf que là, non, pas du tout. Le clown relationnel ne se donne pas en spectacle, il se donne tout court, on pourrait dire…
Sandrine, à quand remonte ta passion pour les soins relationnels ?
C’est la quête de toute une vie ! Un jour, quand j’étais à l’école primaire, je suis allée à Tivoli rendre visite à une camarade qui s’était cassée la jambe. J’ai découvert l’hôpital, ses odeurs, ses murs blancs… Je me suis sentie appelée, c’était très intense ! À 16 ans, j’ai suivi des cours de secourisme à la Croix rouge. Ça ne répondait pas vraiment à mon besoin d’être auprès de ceux qui souffrent mais, au moins, je me rapprochais un peu de ce qui me faisait vibrer.
Cela a-t-il orienté ton choix d’études ?
J’ai d’abord suivi un cursus universitaire en langues. J’ai obtenu mon diplôme mais ça ne m’a pas du tout passionnée. Alors que je terminais ma deuxième année, j’ai eu la chance d’accompagner les derniers jours de vie de mon grand-père. Une infirmière à domicile venait chaque jour à ses côtés. Cette fois encore, je me suis sentie attirée par ce type de mission. Je me suis réorientée vers une licence en sciences hospitalières à l’École de Santé Publique. Grâce à ces études, j’ai ouvert une maison de repos. Je sentais bien que j’étais au bon endroit mais je ne faisais pas le métier que je voulais. Il me manquait quelque chose…
Ça ne te plaisait pas d’être Directrice ?
Si mais je sentais que je me réaliserais dans quelque chose de différent. C’est pour ça qu’à 32 ans, j’ai tout plaqué. J’ai pris une pause-carrière et je me suis offert le graduat d’infirmière. Trois ans plus tard, je décrochais mon diplôme. J’avais bien sûr appris des tas de choses intéressantes mais cela se limitait aux soins techniques et ce que je voulais, moi, c’était aller à la rencontre de l’humain pour l’accompagner dans sa souffrance. C’est là que j’ai découvert une formation organisée à Liège par l’Institut du Clown Relationnel et de la Clown-Thérapie. Huit semaines réparties sur deux ans. Et ça, vraiment, ça a répondu à ce que je désirais faire.
Alors, tu es devenue clown professionnelle ?
Le clown relationnel, on n’en vit pas financièrement. C’est quelque chose qui prend aux tripes ; on se sent vivre intensément mais il faut un boulot alimentaire à côté. J’en suis là aujourd’hui, j’exerce un job administratif et une ou deux fois par mois je pars en maison de repos pratiquer le clown relationnel.
Est-ce que tu as toujours été fascinée par les clowns ?
Non. Quand j’étais enfant, j’ai assisté un jour à un spectacle où des clowns se moquaient des gens et ça ne m’a pas plu. Ça m’a laissé de mauvais souvenirs. Cependant, le clown relationnel n’a rien à voir avec ça. C’est une démarche de soins relationnels, une approche non médicamenteuse de la souffrance morale. Quand les facultés de communication sont altérées, chez les personnes âgées par exemple, les soignants sont souvent démunis. J’en ai moi-même fait l’expérience lorsque j’étais directrice de maison de repos. On est confrontés à des résidents qui répètent sans cesse les mêmes mots, qui sont dans des états de repli, qui refusent de s’alimenter ou deviennent agressifs. Plus la personne est dépendante psychiquement, plus elle a besoin de soins relationnels adaptés.
Et le clown peut intervenir auprès de ces personnes ?
Oui. L’un des objectifs est de prévenir les troubles liés à l’isolement. On va vers les personnes qui sont en manque de relations, qui n’ont pas beaucoup de visites, les personnes qui sont en syndrome de glissement, c’est-à-dire qui se laissent mourir, qui ne veulent plus manger. On peut aussi apaiser les angoisses, soutenir le désir de vivre et favoriser des émotions positives.
Comment le clown s’y prend-il ?
Tout cela se passe essentiellement dans le non-verbal. Cela nécessite une préparation. Il faut se désencombrer pour se rendre totalement disponible à l’autre. Le clown arrive dans une posture physique et mentale qui est ancrée dans le bassin, il ‘habite’ sa structure osseuse. Il doit se départir de toute réflexion intellectuelle pour être au plus proche de sa sensibilité.
Comment se déroulent les rencontres ?
On ne vient pas avec un spectacle pour divertir des gens qui s’ennuient. Nous, on n’est pas dans ce registre-là. On va vers des gens qui ne sont plus capables d’être spectateurs, qui ont besoin qu’on se centre sur eux et qu’on reçoive ce qu’ils ont à exprimer. Ces personnes sont parfois confuses. Cela peut sembler étrange mais, grâce au nez rouge, le clown représente ce que chacune d’elles va projeter : une mère, une voisine, un curé, un ange, un père abusif à qui on a besoin de pardonner… Ce sont toutes des situations que j’ai vécues. Le clown rend possible la rencontre désirée afin de libérer la personne et de l’apaiser.
Et quand une personne ne peut plus s’exprimer du tout ?
C’est effectivement un autre niveau de rencontre. Certains sont totalement recroquevillés sur eux-mêmes, soit ils ne parlent plus, soit ils gémissent ou crient. D’autres n’ont plus ouvert les yeux depuis longtemps. On va alors travailler en empathie corporelle : on peut rejoindre la personne en respirant en synchronisation avec elle. Au début, en apparence, il ne se passe rien. On fait le pari que la personne sent qu’on est là pour elle avec toute notre ouverture sensible. Parfois, c’est magique et cela se termine en effusion de joie : une personne qui était totalement en repli va se lever pour danser avec le clown. C’est pour ça que je balade toujours avec moi un petit transistor qui diffuse des vieilles chansons et des musiques entraînantes.
Pourquoi le personnage du clown est-il tout désigné pour de telles rencontres ?
Le clown est toujours tout neuf ; chaque jour, il vient de naître, il est gourmand de rencontres, il s’émerveille d’un rien, il se trompe tout le temps et il en rit. Et puis, le clown a la chance de n’être personne, il débarque de nulle-part. Il peut devenir le dépositaire d’un secret que les gens ont besoin de confier.
Propos recueillis par Jérémie Brasseur
Pour découvrir en six capsules vidéo la démarche du clown relationnel présentée par son fondateur : MOFFARTS1 - YouTube
Pour voir des clowns relationnels en action (reportage de 2:17) : Clown relationnel - Formation.mpg - YouTube
Pour en savoir plus sur la formation et devenir clown relationnel : sandrinevansnick@hotmail.com - 0498 244 944.