rencontre - Emmanuel Dupuis
- Par brasseur-vansnick
- Le 10/11/2021
- Dans infos
Rencontre avec un passionné
Emmanuel Dupuis, organisateur de murder parties
Le confinement fut l'occasion pour l’Atelier Théâtre des Oiseaux d’explorer un recoin du vaste univers des jeux de rôle. Dans le domaine, Emmanuel Dupuis nous a précédés de quelques lustres ! Sa passion pour les histoires et son plaisir d'interpréter des personnages l'ont amené à créer bon nombre de murder parties.
Envie de vivre, le temps d'une soirée, « une aventure policière avec sa part d'énigme, de frisson, d'action et son lot de rebondissements »* ? Bienvenue dans le monde de la murder party ! Ici, chaque joueur incarne un personnage embarqué dans une intrigue où se côtoient suspects et assassin(s). Au programme, le plaisir de jouer un personnage et de mener une enquête. Suivez le guide : Emmanuel Dupuis vit à Binche. Depuis près de vingt ans, il organise des soirées qui peuvent rassembler une quinzaine de participants.
Emmanuel, d’où vient ta passion pour les murder parties ?
Depuis l'enfance, j'aime les histoires. Particulièrement celles qui contiennent du mystère et des énigmes. J’aime aussi interpréter des personnages. J'avais un théâtre de marionnettes quand j'étais gosse et à l'école, j’adorais jouer aux gendarmes et aux voleurs, aux cowboys et aux Indiens,...
Comment as-tu découvert l'univers de la murder party ?
A la fin des années 90, les magasins de jouets ont sorti une série de jeux de société. Les joueurs interprétaient huit personnages suspectés d’avoir commis un meurtre. Dans la boîte, il y avait une cassette pour accompagner l'intrigue. Le jeu prévoyait des tours de parole ou chacun posait des questions aux autres. Et puis ces jeux-là sont passés de mode, on n’en a plus trouvé dans la grande distribution. Je trouvais ça dommage et j'ai fait des recherches dans des boutiques spécialisées dans les jeux de rôle. C’est comme ça que je suis tombé sur un livret de 80 pages publié par un groupe de Lillois. Ça devenait plus sérieux : l’intrigue était plus détaillée et nécessitait plus de préparation. Trois ou quatre autres livrets sont parus dans la même série. Quand ce filon a été épuisé, je me suis tourné vers Internet.
Les amateurs de murder parties étaient déjà sur le web ?
Oui, j’ai découvert un site créé par des passionnés qui publiaient leurs scénarios. J'en ai téléchargé un qui s’appelait Meurtre à Paris. J’ai organisé une soirée et comme ça s'est bien passé, je suis retourné sur le site mettre un petit mot de remerciement aux concepteurs du jeu. C'était des Bordelais. Apparemment, ça leur a fait plaisir. On est devenus très amis. En 2004, ils nous ont invités, mon épouse et moi, à participer à une murder party organisée dans un château à Bordeaux. Au fil du temps, j'en suis venu à me lancer moi aussi dans l'écriture de scénarios.
J’imagine que l’organisation d'une murder party demande pas mal d’investissement...
Oui, bien sûr. Il y a d'abord le long travail d'écriture, et comme j’invente des scénarios pour 15 joueurs et que chez moi ce n'est pas très grand, je me suis mis à louer des gîtes. Les gens arrivent le samedi en début de soirée et on joue jusqu'au lendemain matin. Ceux qui ne sont pas fatigués peuvent investiguer toute la nuit, d'autres vont se reposer. Moi, en tant qu'organisateur, je dois gérer les imprévus (les désistements de dernière minute par exemple) et les questions logistiques. Je ne dors que deux heures sur la nuit. Ce qui me motive, ce sont les retours des gens : l'enthousiasme des participants donne envie de continuer. Parfois, je me dis que je vais arrêter d'écrire… mais jusqu’à présent j'ai toujours réussi à mettre sur pied en moyenne une grande murder party par an, que je fais généralement jouer deux fois.
Comment ça fonctionne précisément ?
J'écris mon scénario. Les gens s'inscrivent. Un mois avant la murder party, j'envoie un dossier aux joueurs : on y trouve le déroulement de la soirée, le point de base de l'intrigue et surtout la fiche de présentation du personnage à interpréter (son histoire, son caractère, la raison de sa présence, ses motivations). Chaque personnage a des objectifs différents. Pour moi, même s'il y a une enquête à mener et des énigmes à résoudre, ce qui importe par-dessus tout c’est le plaisir de vivre une histoire ensemble. Chacun s’investit pour incarner son personnage et faire évoluer l’aventure. Parfois l'organisateur sait bien que l'objectif que poursuit un personnage est pratiquement impossible à atteindre. Mais en fixant cet objectif, on donne au joueur une détermination, ce qui l’aide à entrer dans la peau du personnage et à entreprendre des actions. Cela donne du relief au jeu.
Quel impact a eu la crise sanitaire sur tes activités ?
Le confinement a commencé à la mi-mars 2020 et j'avais une murder party programmée en avril ; on était déjà en pleine préparation. Ça a été un coup dur. Mais en définitive, la période fut propice à l'écriture. Cela faisait un petit temps que j’envisageais de me réorienter vers des scénarios plus courts, pour huit joueurs. J’ai aussi écrit un jeu de rôle atypique, de style narrativiste sur base d'une expérience de jeu vécue chez un ami aussi passionné que moi. Il n'y a pas d'intrigue policière, c'est une série de saynètes qui retracent la vie de quatre personnages. Chaque joueur doit faire des choix. Un peu comme dans les livres dont vous êtes le héros. L’histoire commence à l'école maternelle et se poursuit durant toute la vie : les études, la carrière professionnelle, les relations amoureuses, la confrontation à la mort, les aléas de la vie qui peuvent altérer l'amitié...
Des murder parties ont pu se poursuivre aussi en visioconférence ?
Oui. Lors du premier confinement, j’ai participé à des soirées en ligne organisées par des amis, mais c'était toujours des adaptations de scénarios conçus pour être joués en présentiel. J’ai eu l’idée d'écrire une murder spécialement conçue pour des rencontres virtuelles. L'histoire que j’ai imaginée suit les aventures de personnages qui se réunissent ponctuellement sur les réseaux sociaux.
Quelles sont les conditions pour se lancer comme joueur ?
Pour moi, il n'y en a qu'une seule, c'est d'avoir envie d’essayer. Le groupe de joueurs évolue sans cesse : au fil du temps, il y a des participants qui deviennent des habitués, certains s'en vont, de nouvelles têtes arrivent. C'est ainsi que j’ai pu rencontrer un tas de gens en France et en Belgique francophone.
Quels sont les projets sur lesquels tu travailles ?
Je continue à travailler sur des murder parties en visioconférence. Pas seulement à cause des contraintes liées à la crise actuelle mais surtout parce que cela permet de faire participer des joueurs qui habitent plus loin ou qui manquent de moyen de locomotion. On peut ainsi regrouper des gens de toute la Wallonie, mais aussi de Paris, de Rouen, de Toulouse... Je tiens beaucoup au fonctionnement en groupe ouvert : bienvenue à tous ceux qui souhaitent participer !
Propos recueillis par Jérémie Brasseur
* Pour aller plus loin :
• www.murderparty.be – un site géré par un ami d’Emmanuel Dupuis
• manu280372@skynet.be – l’adresse courriel d’Emmanuel Dupuis