Monche - Rattrape-le Père Noël

« Rattrape-le, Père Noël ! »

[La gazette de Monche] – Le 10 décembre dernier, devant le centre commercial du Grain Près, deux policiers en costumes de saison ont arrêté des individus qui tentaient de voler une voiture. 

Visuel rattrape le pere noel brMagasin de jouets de la galerie commerciale (Monche), 3 décembre

La commerçante. – Excusez-moi d’avoir fouillé votre sac…

La cliente. – C’est ça.

La commerçante. – … et d’avoir retourné les poches de votre imper.

La cliente. – Mon trench-coat.

La commerçante. – Oui, pardon. J’ai vraiment cru que c’était vous…

La cliente. – Que c’était moi ?

La commerçante. – Je veux dire : que c’était vous qui piquiez mes PlayBidules.

La cliente. – Parce que j’ai une tête de voleuse ?

La commerçante. – C’est pas la tête, c’est l’imper.

La cliente. – C’est vous qui faites des impairs. Vous feriez mieux d’appeler la police pour vos PlayBidules. Au lieu d’agresser votre aimable clientèle.

 

Commissariat de Monche, 7 décembre

Pasania. – Bon, les gars, on fait rapidement le topo. Je vais essayer de choisir des mots simples. Comme ça, on est sûrs d’être raccords.

Brette. – Chef, oui, chef !

Pasania. – Pas la peine de gueuler, agent Brette.

Brette. – Je gueule pas, chef.

Pasania. – Passons ! Ces derniers jours, les commerçants du Grain Près constatent de plus en plus de vols à l’étalage. D’où, appel aux forces de l’ordre ; d’où, opération Papa Noël. J’espère que jusqu’ici c’est clair.

Brette. – Limpide, chef !

Pasania. – Mettez-la en veilleuse, Brette.

Brette. – Vous demandez, je réponds.

Pasania. – Oui, mais non. L’opération Papa Noël, qu’est-ce que c’est ? En deux mots : une présence policière renforcée, une vigilance accrue, une rapidité d’intervention optimale.

Brette. – On a le droit de faire usage de son arme ?

Pasania. – Pas vous, Brette. De toute façon, j’ai confisqué vos balles.

Brette. – Quoi ?!

Pasania. – Vous avez explosé votre quota de bavures cette année. Bref, il me faut deux hommes en patrouille dans la galerie. Des agents qui sachent ouvrir l’œil. Question camouflage, on va faire dans le costume de saison : j’ai pu trouver des déguisements de Père Noël et de lutin. J’attends des volontaires.

Brette. – Moi, chef. Moi !

Pasania. – Oh, putain… Qui d’autre ?

Une planque de malfrats, 9 décembre

Lex. – Toi, tu seras posté côté sud. Ici, sur le plan.

Suif. – Près des bonshommes verts ?

Lex. – C’est des sapins.

Suif. – Je me disais aussi : pourquoi y a des martiens sur le parking du supermarché ?

Lex. – Dis donc, il fait tatoué Van Gogh sur ma gueule ?

Suif. – Ben non.

Lex. – Si je voulais faire artiste, j’aurais peigné des tournesols. Okay ?

Suif. – « Peint ».

Lex. – Quoi ?

Suif. – Tu as dit : « j’aurais peigné des tournesols », comme si c’était des cheveux.

Lex. – Et alors ? Il fait tatoué coiffeur ?

Suif. – C’est pas ça, c’est rapport à la conjugaison du verbe…

Lex. – Il fait tatoué Bertrand Pivot ?

Suif. – … nard. Bernard.

Lex. – Je fignole mon plan pour piquer une bagnole. C’est pas le moment de venir couper les canards en quatre.

Suif. – Hmm.

Lex. – C’est pas comme ça qu’on dit peut-être ?

Suif. – Si, si.

Lex. – Et Orly, pourquoi elle est pas là ? Ça fait deux heures qu’on l’attend.

Suif. – Elle fouille dans sa cave pour retrouver une paire de jumelles. Elle dit que ça peut servir pour faire le guet.

Lex. – C’est ça. Je parie que sa paire de jumelles, elle a de grandes feuilles, qu’on peut faire des clopes rigolotes avec.

Galerie du Grain Près, 10 décembre – vers 15 h

Perrine, air candide. – Bonjour, le lutin. Il est où, Papa Noël ?

Brisant, un agent de police déguisé en lutin. – Il est parti deux secondes… faire brouter ses rennes.

Perrine. – Où c’est qu’ils sont, les rennes ?

Brisant. – Ben… avec le traineau garé là-haut.

Perrine. – Sur le toit ?

Brisant. – Voilà. Sur le toit. Attention, ce n’est pas un stationnement très règlementaire, hein ! y a de quoi ramasser un méchant PV. Mais Papa Noël, il a le droit : on va dire qu’il a une dérogation.

Perrine. – Et vous allez repartir au Pôle Nord tout à l’heure ?

Brisant. – Ben oui. D’ailleurs, on va pas tarder à se mettre en route parce qu’ici, aux heures de pointe, ça n’avance pas. Même avec les gyrophares.

Perrine. – « Les gyrophares » ?!

Brisant, à lui-même. – Ouille, je me fais griller, là.

Perrine. – Y a des gyrophares au traîneau ?

Brisant. – Des gyrophares de Noël : c’est comme des gyrophares mais ça clignote en multicolore et ça sonne Jingle Bells dans les virages.

Perrine. – Ouah !

Brisant. – C’est ça. Faut me laisser bosser maintenant. Je vais voir par-là si Papa Noël me cherche.

Perrine. – Eh, le lutin !

Brisant. – Quoi ?

Perrine. – Y a un képi qui traîne là-bas. Ce serait pas à toi ?

Brisant. – Merde ! Où ça ?

Perrine. – Ah non, c’est juste un vieux sachet. Au temps pour moi.

Brisant, à lui-même. – Ce coup-ci, j’ai bien cru que j’étais grillé.

Une rue en cul-de-sac de Monche, 10 décembre – vers 15h30

Orly, hors d’haleine. – Coincé !

Bon-Poil, un agent de police déguisé en Père Noël. – Déconne pas. Fais voir tes mains.

Orly. – Je suis pas armé. Relax, Père Noël.

Bon-Poil. – Toi et tes potes, faut pas espérer grand-chose dans vos petits souliers.

Orly. – J’ai rien fait de mal.

Bon-Poil. – Ah non ? Et qu’est-ce que vous aviez, toi et les deux autres, sur le parking du Grain Près, à rôder autour des bagnoles ?

Orly. – On s’intéresse à la mécanique. C’est interdit ?

Bon-Poil. – Ben voyons. Et quand Papa Noël se pointe, on ressent un besoin pressant de faire du footing ? C’est pas sympa de m’obliger à  faire un marathon dans les rues de Monche.

Orly. – Vous tenez la forme pour un pépère bedonnant. Je sais pas comment vous faites !

Bon-Poil. – Va ramoner toutes les cheminées du monde en une seule nuit, tu verras.

Orly. – Allez, soyez sympa : l'esprit de Noël, quoi ! Je promets d’être sage comme un petit mouton et vous me laissez filer.

Bon-Poil. – Ouais. Ou alors, je te ramène au poste voir s’il reste de la cougnole et tu chantes en chœur le Minuit chrétien avec tes deux copains.

Orly. – J’ai pas l’oreille musicale.

Bon-Poil. – T’inquiète ! J’ai un ou deux amis flics qui vont t’apprendre à chanter juste. Au fait, y a quelque chose de regrettable dans tes poches ?

Orly. – Oh la vache, on est en train de sympathiser tranquille, et bam ! sans prévenir, les questions qui fâchent !

Commissariat de Monche, 10 décembre – tard dans la nuit

Pasania. – Alors, je résume. Le cerveau de la bande…

Orly, désignant Lex. – C’est elle.

Lex. – Tu m’étonnes !

Pasania. – Le couillon de service qui s’est fait choper par un lutin…

Orly, désignant Suif. – C’est lui.

Suif. – Oh, la sale balance !

Pasania. – Et qui c’est qui gambade dans les rues de Monche avec 300 gramme de beuh dans les poches ?

Bon-Poil, désignant Orly. – C’est mon petit cabri.

Pasania. – Eh bien, voilà un beau trio de pieds nickelés. Des cornichons pareils, on ne sait pas si ça mérite d’encombrer nos prisons.

Brette, déboulant en costume de Vierge enceinte, avec Perrine, menottes aux poings. – Chef, regardez ce que je vous ramène.

Pasania. – Agent Brette, qu’est-ce que c’est que ce look ?

Brette. – Rapport à l’Opération Papa Noël, chef. J’ai pris l’initiative.

Pasania. – Jésus, Marie, Joseph !

Brette. – Oui, enfin : Jésus et Marie, mais sans Joseph.

Pasania. – Dites-moi qu’un motif valable justifie cette interpellation.

Brisant, reconnaissant Perrine. – Brette, tu charries…

Perrine, reconnaissant Brisant. – Tiens ! mon petit lutin !

Brisant. – Ce n'est qu'une gamine.

Brette. – Tu parles. Vous devinerez jamais ce que la 'gamine' planquait dans le coffre de sa camionnette ?

Pasania. – Dépêchez-vous de nous le dire.

Perrine. – C’est ça, accouche !... Enfin, façon de parler.

Brette. – Une cargaison de PlayBidules encore sous cellophane. Il y en a bien pour 1000 euros.

Perrine. – Je fais les courses pour toutes les mamies du quartier.

Pasania. – Voyez-vous ça. Et j’imagine que vous avez les tickets de caisse ?

Orly. – Toujours les questions qui fâchent !

Bon-Poil. – Allez, elle tombe bien, celle-là avec sa bouille d’ange. Il nous manquait justement une voix de tête pour les solos du Minuit chrétien.

Texte de Jérémie Brasseur, basé sur un jeu de rôle créé avec Joseph Cau, Sophie Gérin, Teresa Maggiordomo et Sandrine Vansnick le 23 décembre 2020. Scénario inspiré d’un fait divers : Le père Noël et son lutin neutralisent des voleurs de voitures | Insolite | 7sur7.be