sketch - Qui paie ses dettes

 

Jojo, entrant. – Ben, dis donc, il t'en faut du temps pour ouvrir !

Steph, qui est allée lui ouvrir tout ensommeillée. – Excuse-moi, mais à minuit vingt je n’attendais plus de visite.

Jojo. – Je viens te réclamer trois euros que tu me dois : c’est la cotisation pour l’anniversaire d’Amanda le mois prochain.

Steph. – Trois euros ?

Jojo. – Trois euros… quatre ou plus ; le pourboire n’est pas inclus.

Steph. – Je vais voir si j’ai de la monnaie. Tu es sûre que ça ne pouvait pas attendre demain ?

Jojo. – Les bons comptes font les bons amis, comme on dit dans ma famille.

Steph. – Je connais. Ah, pas de bol ! je n’ai qu’un billet de dix.

Jojo, le lui arrachant des mains et le glissant prestement dans sa poche. – Ça fera l'affaire.

Steph. – C'est-à-dire que moi, ça m’ennuie...

Jojo. – Ne fais pas tant de façons. Si tu n’as pas de monnaie, je ne vois pas d’inconvénient à arrondir.

Steph. – Oui, enfin là…

Jojo. – J'accepte bien volontiers le témoignage concret de ton amitié...

Steph. – Tant mieux, mais bon !...

Jojo. – ... même si ta façon de souligner lourdement tes gestes de générosité, tes petits airs de dame patronnesse,…

Steph. – Mes petits airs, quoi ?

Jojo. – … tes minauderies grotesques…

Steph. – Mes minauderies grotesques ?

Jojo. – … bref, toute cette simagrée, je dois dire que c’est un peu fatigant.

Steph. – Oh !

Jojo. – Je ne t’en veux pas, hein.

Steph. – Tu es trop bonne.

Jojo. – On ne te refera plus à ton âge… Heureusement, la nature est bien faite : elle a réparé son erreur puisqu'elle m’a placée sur ta route, moi, telle une promesse de rédepmption que l’on n’espérait plus.

Steph. – Çà, à minuit vingt, tu peux le dire !

Jojo. – J’ai fait de toi ma fille spirituelle. Comme ça. Gratuitement.

Steph. – Qu’est-ce que tu entends au juste par gratuitement ?

Jojo. – Ton silence dévoué suffit à me satisfaire.

Steph. – Mon silence dévoué… et mon billet de dix euros.

Jojo, qui s’installe pour dormir. – Un peu de silence ! Je médite.