Piliers2 / Bavaro raconte-1
- Par brasseur-vansnick
- Le 12/11/2021
- Dans dialogues
Raconte-nous, Bavaro… (1e partie)
Piliers de Comptoir est un univers créé par l’Atelier Théâtre des Oiseaux en décembre 2019. Depuis cet été 2021, l’ATO réinvestit le bistrot imaginaire du Nul Bar Ailleurs, crée de nouveaux personnages, développe de nouvelles intrigues. Des sketchs sont en préparation, en prévision d’une présentation au public.
Au Nul Bar Ailleurs, tard le soir.
Belle-Vue. – Je dis ça mais je ne pense pas à mal : on va bientôt fermer…
Chouffe. – « Fermer » !? Ah non. Après, faut rentrer chez soi, tout ça.
Forestinne. – Je n’ai pas fini mon verre, moi.
Bavaro. – Je ne suis pas aux pièces non plus, le camion est bloqué à l’entrepôt.
Belle-Vue. – Allez, buvez vos fonds. Moi, je suis là, j’attends.
Chouffe. – Où ce que vous courez, comme ça, Belle-Vue ? Carapils, il ferme toujours à pas d’heure.
Belle-Vue. – Ce que j’en dis, c’est pour la forme. Je joue mon boulot de patronne…
Forestinne. – Je n’ai pas fort envie de rentrer : mon ordi est mort, je ne sais plus aller sur MonBingo.com.
Bavaro. – Parce que même la nuit vous jouez au bingo ?
Forestinne. – Faut bien que je m’entraîne.
Bavaro. – Ça vaut ben l’ peine ; vous finissez toudis dernière.
Forestinne. – J’ai la scoumoune depuis que j’ai paumé mon cure-dent porte-bonheur.
Chouffe. – Qu’est-ce que vous voulez ! Quand on touche le fond, on touche le fond.
Vedett. – Non, y a toujours plus au fond.
Bavaro. – Dis donc, l’ambiance est pas géniale, ce soir !
Vedett. – C’est ce que je me dis depuis que j’ai arrêté l’alcool.
Forestinne. – Vous avez arrêté ? Mais depuis quand ?
Vedett. – Depuis tout à l’heure… j’ai commandé un Kidi-bidull.
Chouffe. – Vous avez chopé l’abstinence.
Belle-Vue, que cette perspective terrifie. – L’abstinence ?!
Chouffe. – Ça peut arriver à n’importe qui. Sapristi, Vedett, qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
Vedett. – Je n’en pouvais plus de voir des visions surgir dans ma bière, alors je me suis mise au Kidi-bidull.
Bavaro. – Et vous voyez à travers les bulles ?
Vedett. – Bah oui, quand elles remontent.
Forestinne. – Vous allez en ramasser plein le pif. C’est un coup à choper des trous d’air dans le cerveau.
Chouffe. – Faut se méfier des boissons gazeuses : le gaz, on ne sait jamais d’où ça vient et par où ça passe.
Bavaro. – C’est que ça voyage libre. Un peu comme nous les camionneurs. Mais l’odeur est pas pareille…
Chouffe. – Quoique !
Forestinne. – Et si on faisait une veillée…
Vedett. – Funèbre ?
Belle-Vue. – D’accord. Qui c’est qu’on enterre ?
Forestinne. – Mais non, une veillée comme autrefois : se blottir au coin du feu, écouter les ancêtres évoquer leur jeunesse de leur petite voix mourante... Mère Chouffe, racontez un truc.
Chouffe. – La mère Chouffe, avec sa petite voix mourante, elle vous bleffe à la barbe !
Bavaro, narquois. – Forestinne, faites-nous le récit d’une partie de bingo ; il y a toujours un tel suspens, de tels rebondissements !
Forestinne. – Et mon verre, vous voulez le ramasser sur le coin de la tronche ?
Vedett. – Allez, on ne va pas se chamailler...
Belle-Vue. – Les chamailles, ça finit toujours mal. Y en a toujours un qui se fait traiter de pochtron et qui part un peu vexé.
Bavaro, levant son verre. – Bon beh, à la nôtre !
Chouffe, qui trinque avec les autres. – À nous !
Belle-Vue, avec un enjouement forcé. – À la bonne ambiance du café ce soir !
Texte de Jérémie Brasseur, d'après un dialogue de Bernard, Caro, Dominique, Michel et Sandy, le 02 11 2021