rencontre - Pascal Mouchard
- Par brasseur-vansnick
- Le 20/10/2021
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Rencontre avec un passionné
Pascal Mouchard, metteur en scène amateur (LTA)
Dans quelques semaines, nos amis français de la troupe Le Théâtre Arrive montent sur scène avec La Culotte, une comédie grinçante de Jean Anouilh. Cette pièce à grande distribution est mise en scène par Pascal Mouchard, grand créatif et joyeux bavard.
Pascal Mouchard ne manque pas de projets. De son propre aveu, il en a toujours dix ou quinze en tête. Il faut dire que sa passion pour le théâtre ne date pas d’hier. Pascal lit des textes, va voir des spectacles, crée des décors, monte sur les planches et met en scène. Pour lui, Raymond Devos a bien résumé les choses : l’art du théâtre consiste à venir chercher le spectateur dans son fauteuil pour l’entraîner dans la folie avant de le ramener à lui-même en fin de voyage.
Pascal, parlons d'abord de La Culotte. Qu’est-ce qui t’a amené à proposer ce texte à la troupe ?
En 2018, on cherchait une pièce pour l'ensemble de la troupe. On accueillait trois nouveaux membres et on clôturait une année où la troupe s’était retrouvée scindée pour monter deux spectacles, Le médecin volant et Vendredi 13. Cela avait un peu éclaté le groupe, malheureusement. D’où la volonté de proposer un projet pour tout le monde. On me disait : « Ça va être trop difficile ; on n’aura jamais tout le monde aux répétitions. » Je répondais : « Je sais mais il faut quand même essayer. » J'ai cherché une pièce à grande distribution et je me suis souvenu de La Culotte. C'est une pièce que j'avais montée en 1994 du temps où j’animais une petite troupe dans un patelin de campagne.
Pour remonter cette pièce, tu as donc pu puiser dans tes souvenirs…
Je me rappelle surtout qu’à l’époque, ça n’avait pas été simple. Le thème de La Culotte n'était pas du tout dans l'air du temps. Les gens n’adhéraient pas trop. On a réussi à monter la pièce mais j'étais resté avec un goût de trop peu. Quand j’ai relu le texte il y a trois ans, j’ai été frappé par l’actualité du propos. Plus je la lisais, plus il me semblait que ça faisait écho avec le mouvement MeToo et les dérives politiques actuelles. Je me suis dit : pourquoi ne pas tenter ?
Comment la troupe a-t-elle abordé le texte ?
C'est une pièce peu connue. D’Anouilh, les gens citent le plus souvent l’Antigone, et c’est à peu près tout. La Culotte, c'est vraiment une pièce dérangeante, on peut même se demander si Anouilh n’était pas quelque part un anarchiste de droite. Nous avons hésité un moment à faire des coupures, finalement nous avons gardé le texte intégral. Les comédiens se sont distribués les rôles entre eux, en fonction de ce qu’ils avaient envie de jouer. Oui, ce sont les comédiens eux-mêmes qui ont choisi ! Pour beaucoup de gens, le metteur en scène est comme un chef d'orchestre. Je ne crois pas trop à ça. Je ne suis pas là pour décider mais pour donner des pistes dans le jeu d’acteur.
Sur quoi portes-tu ton attention pour aider les comédiens débutants à progresser ?
Jusqu’à présent, quand de nouveaux adhérents rejoignaient la troupe, ils intégraient le projet en cours. Il n'y avait pas d’exercices qui leur étaient particulièrement dévolus, ils recevaient des consignes de jeu comme tout le monde. J’ai constaté que ceux qui arrivent sans avoir jamais fait de théâtre, c’est important qu’ils montent assez vite sur scène. Sinon, la motivation se relâche. Je suis très attentif au positionnement du corps et au fait que le personnage soit bien habité. On commence toujours un projet par des recherches sur le personnage, sur sa façon de marcher, sa façon de réagir. On essaie de lui trouver des gestes qui pourront servir par après d’effets comiques.
Quelles sont les principales difficultés que doivent surmonter les débutants ?
L’erreur classique c’est d’abandonner le personnage. Je me souviens d'avoir lu à ce propos le livre d'un metteur en scène irlandais, Declan Donnellan. Il explique que l'acteur doit montrer au public ce que le personnage voit. C'est pour ça que j'aime travailler sans accessoires. Les débutants disent souvent : « Mon personnage doit boire, j’ai besoin d’un verre. » Mais si le comédien prend un verre, alors il se met à boire de façon banale et ça ne m'intéresse pas.
Tu es aussi très attentif à la manière dont on se place sur scène ?
C’est essentiel. J'ai fait des stages où on apprenait à regarder le public. Il fallait rester immobile face aux spectateurs pendant que l'autre acteur parlait. Le temps peut paraître long ! Les comédiens débutants ont tendance à rester rivés sur leur partenaire de scène. Du coup, les spectateurs ne voient pas leurs mimiques. Pour le public, il ne se passe plus rien.
Comment travailles-tu la diction et le volume sonore avec les comédiens ?
Je ne suis pas très attentif à cela. Je parle moi même un peu trop vite. C’est un défaut que j'essaie de corriger quand je joue. Je sais qu’au fond, tout ça vient au fur et à mesure, à force de jouer. Il m’arrive d’attirer l’attention des comédiens sur le volume vocal, mais c'est plutôt en fin de mise en place. Ce qui me semble le plus important, c'est que les comédiens habitent leur personnage. Si l’on fait du théâtre, ce n'est pas pour parler entre soi, c'est pour s’adresser au public.
A quel moment du projet conçois-tu la préparation des décors ?
Pour moi, moins il y a d’élément sur scène, mieux c’est. Le minimum du minimum. Pour La Culotte, je voulais deux grands panneaux au fond pour symboliser la pièce. Un bout de rideau déchiré et un poteau de torture surmonté par un buste de Marianne. Ce buste, on l’a fabriqué avec une collègue qui est plasticienne. Et puis, j’ai rajouté une petite estrade pour installer le tribunal.
La troupe reprend certains éléments de décor d’un spectacle à l’autre ?
Oui, avec un membre de la troupe qui ne s'occupe que du décor, on a fabriqué des grands panneaux qui se fixent sur des supports. Ces panneaux, on les habille différemment pour chaque spectacle. On les a utilisés dans Chat en poche avec du papier crépon. Dans Le médecin volant, on les a combinés pour fabriquer une fenêtre. C'est facile à démonter et à embarquer en voiture. Pour La Culotte, on a peint nos deux panneaux en rouge vif.
Et pour les accessoires ?
Pour les accessoires, ça dépend de ce qu'on déniche sur brocantes. Pour La Culotte, il y a une corniche en plâtre doré qui est en train de se casser la gueule. Et des bouts de rideau qui pendent du plafond. Mais ça, c'est arrivé vraiment tardivement.
Comment prépares-tu ton travail de mise en scène ?
Je commence par lire la pièce cinq ou six fois. J’ai alors une idée générale de la manière dont ça va s'organiser. Je fais des petits croquis. Tout de suite je prévois les entrées : si c'est plutôt avant-scène ou fond de plateau ; les décors côté cour ou côté jardin… On cale ça dès le début des répétitions. Mais je garde une certaine liberté : si ça ne va pas, on modifie. J'aime faire évoluer ma mise en scène en fonction de ce qui marche ou pas. Des fois, un comédien proteste : « Mais tu m’avais dit le contraire la dernière fois. – Ben oui, mais ça marche mieux comme ça ! » J'essaie des trucs, et c’est vrai que pour les comédiens ce n'est pas toujours facile à suivre.
Où puises-tu ton inspiration ?
Je vais souvent au théâtre. Chaque fois que je me rends au festival Off d'Avignon avec ma femme, on se tape dix spectacle en trois jours. Je me souviens d’un spectacle qui s'appelait ZigZag (une création de Xavier Lemaire). Quand on rentre dans la salle, il y a deux régisseurs tout affairés à placer le public. Puis, un homme arrive en costard cravate, il explique qu'il est metteur en scène et il retrace l’évolution de cette fonction à travers l’histoire du théâtre. Ensuite, il prend la première scène du Médecin malgré lui de Molière pour la jouer de trois façons différentes. Les ‘régisseurs’ du début deviennent les acteurs. Il y a d’abord la version classique, puis une adaptation style théâtre contemporain - et enfin une relecture moderne théâtre engagé (avec deux clodos qui se tapent sur la gueule pour des canettes de bière). On voit à quel point, à partir d'un texte, on peut faire ce qu'on veut. Ça m’a fort marqué.
Voir des spectacles permet d’enrichir ta palette de metteur en scène ?
Oui, quand je vais voir des spectacles, je dis : « Tiens, ce truc-là, c'est pas mal. » Je me souviens d’un spectacle de Grégory Faive il y a deux ans, à Grenoble. L’acteur commence sa pièce tout seul et il s’adresse au public comme si c'était sa troupe de comédiens : « Toi Denise, ça n'allait pas à la dernière répétition. Toi, Jean-Paul, c'était très bien... » Le spectateur devient en quelque sorte un acteur de la troupe. Du coup, on se retrouve du côté des coulisses. Le premier plan, c'est la scène et on voit au fond les sièges vides du public. Tout est inversé. C'était vraiment fabuleux.
Comment travailles-tu les jeux de scène avec les comédiens ?
Je me suis rendu compte que souvent, dès que les comédiens intégraient un jeu de scène, il y en avait un autre qui arrivait naturellement : comme si un jeu de scène en appelait un autre. Le pire dans le théâtre amateur, c'est quand les acteurs déclament. C'est chiant quand le gars est droit comme un i, qu’il récite son truc. Moi je dis à mes comédiens : « On s’en fout si vous vous trompez dans le texte, ça n'a pas d'importance ; on est amateurs. Par contre, ne récitez pas. Donnez de la vie ! »
Comment vois-tu l'évolution du théâtre amateur ?
Autour de moi, le théâtre amateur se porte plutôt bien. Il y a toujours beaucoup de troupes, elles ont chacune leur registre. Il y a des festivals qui sont organisés, des tas d’initiatives… Ce que je trouve dommage, c'est que ça se tire la bourre. Mais ça, c’est comme dans la musique, comme dans la danse, comme partout… Ce n'est pas facile de nouer des contacts et de développer des échanges, sauf pour nos ORTF, le festival de théâtre que nous organisons fin novembre : ceux qui viennent partagent notre désir de travailler ensemble. Je suis assez confiant. Dans la troupe, on était six il y a 9 ans, maintenant on est dix-neuf. Et les projets ne manquent pas…
Propos recueillis par Jérémie Brasseur
Pour découvrir le site web de la troupe: www.letheatrearrive.com