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citation - Bernard Grosjean

Le modèle de l’atelier théâtre

Dans son livre Dramaturgies de l’atelier-théâtre, le comédien, metteur en scène et dramaturge Bernard Grosjean présente schématiquement deux modèles, celui du théâtre professionnel et celui de l’atelier théâtre, pour en souligner les différences fondamentales. Un texte dense qui, à l'atelier, nourrit notre pratique depuis plusieurs années.

 

[Présentons] d’abord (en le caricaturant pour simplifier) le modèle fréquent de production d’un spectacle professionnel : le metteur en scène choisit un texte, effectue la distribution en fonction de la vision qu’il a du texte et en fonction d’emplois ou d’affinités. Les répétitions commencent texte su, avec des mises en place rapidement menées. Chaque rôle fait l’objet d’une approche psychologique, dans une relation de face-à-face entre l’acteur et le metteur en scène et dans une certaine concurrence entre les rôles. Viennent peu à peu s’ajouter les décors, les costumes et les lumières, avant que ne commencent les filages.

Ce mode d’approche ne semble cependant pas le plus approprié dans le cadre de l’atelier. En effet il ne permet pas de prendre en compte un groupe dans sa globalité, il enferme prématurément les acteurs dans un moule étroit, en faisant fi de leur créativité et de leurs propositions, il génère des phénomènes de concurrence malsaine et il repose presque exclusivement sur le texte.

D’autres modes de production semblent d’emblée beaucoup plus proches des préoccupations de l’atelier, car ils sont fondés sur des recherches collectives, où le comédien est considéré comme membre d’une troupe, acteur et cocréateur du spectacle.

« Chez nous, le metteur en scène ne pénètre pas au théâtre avec son idée ou sa vision, un plan des mises en place et des décors tout faits. Son désir n’est pas de réaliser une idée. Sa tâche consiste à éveiller et à organiser l’activité productive des comédiens. Pour lui, répéter ne signifie pas faire avaler de force quelque conception arrêtée a priori dans sa tête, mais mettre à l’épreuve. » (Bertolt Brecht)

Cette manière de faire permet d’accéder à un projet où le théâtre peut enfin devenir « un moyen pédagogique de construction de la personne dans une collectivité, de retour sur soi et d’ouverture aux autres, de développement individuel et solidaire en empruntant les formes d’expression artistique les plus abouties. » (Philippe Meirieu) Un projet également susceptible de générer chez les spectateurs un plaisir de jamais vu, car de tels spectacles peuvent parfois avoir la saveur de l’inédit.

Bernard GROSJEAN, Dramaturgies de l’atelier-théâtre, éd. Lansman, 2009, page 82