rencontre - Caroline Bogaerd

« Le plus important : continuer à s’amuser ! »

Rencontre avec Caroline Bogaerd

Le mercredi 7 mars dernier, dans le cadre de la préparation de La Grande Tourterie, l’Atelier Théâtre des Oiseaux a reçu la visite de Caroline Bogaerd, comédienne et metteure en scène professionnelle, agrégée en arts du spectacle de l’UCL et auteur de la pièce Honora présentée au Festival Universatil de Louvain-la-Neuve en février 2017. Elle nous a parlé de trajectoires des sentiments, de scénographie, de respirations, de yoga du rire, et de bien d’autres choses encore… Une rencontre chaleureuse et vivifiante dont les comédiens de l’équipe se souviendront longtemps.

Caroline bogaerdCaroline Bogaerd, c’est très jeune que vous avez pris goût au théâtre ?

Oui, à l’école j’ai eu la chance de rencontrer un prof qui nous laissait beaucoup de liberté. J’interprétais les sketchs de Roland Magdane, que je connaissais par cœur et que je présentais en fin d’année sur scène devant les parents. C’est comme ça que j’ai commencé à aimer le théâtre.

Dans votre parcours de formation, vous êtes passée par l’Ecole Internationale de Théâtre LASSAAD (Bruxelles). Quels souvenirs en gardez-vous ?

Lassaad est une école de théâtre basée sur le mime et le mouvement. On aborde différents styles théâtraux : notamment le travail avec masques, les techniques de clown, la commedia dell’arte, la tragédie, le mélo-mime. C’est très exigeant, très physique. Psychologiquement aussi, ça peut être éprouvant : parfois on réussit, parfois on se plante. Mais on nous a appris à essayer, quitte à foirer. Il y a deux mérites, nous disait le prof : celui d’avoir essayé et celui d’avoir réussi.

Quels sont vos projets théâtraux en ce moment ?

Je travaille sur l’adaptation d’une bande dessinée en spectacle de marionnettes pour un public d’enfants à partir de 8-10 ans. C’est un tout nouveau projet, on n’en est encore qu’aux balbutiements. J’ai une grande passion pour le théâtre jeune public. On fait vraiment des spectacles de très bonne qualité pour les enfants aujourd’hui. Même les adultes devraient venir les voir tellement c’est beau : moi j’ai la larme à l’œil à chaque fois.

Quel regard portez-vous sur le théâtre amateur ?

Pour certains, le mot amateur a un sens péjoratif alors que faire du théâtre par amour c’est ce qu’il y a de plus beau. Le théâtre amateur, il ne faut pas en avoir honte. Les professionnels sont payés : pour eux ça devient un travail, qu’il faut faire tous les soirs pour gagner sa vie. Mais donner de son temps libre par amour pour le théâtre, ça a une grande valeur. En Belgique, le théâtre amateur a initialement nourri le théâtre professionnel. Le premier directeur du Théâtre national, c’était un scout qui avait parcouru tout le pays avec une petite camionnette pour animer des ateliers et monter des spectacles. Cet homme aimait tellement le théâtre qu’on lui a confié la gestion du Théâtre national.

Le coaching de comédiens amateurs, pour vous c’est occasionnel ?

Oui, c’est occasionnel mais la direction d’acteur et la mise en scène, j’adore faire ça. Essayer de sortir le meilleur des gens, donner des pistes de recherche pour qu’ils puissent s’améliorer. C’est toujours un long travail ! il faut prendre confiance en soi, ne pas avoir peur de l’autre et du public. Être regardé, c’est ce qu’il y a de plus dur dans le théâtre. Regardé par les autres, mais aussi souvent regardé par soi-même : on se juge trop alors que le but c’est de s’oublier, de lâcher prise.

Le théâtre amateur est-il bien implanté près de chez vous ?

J’habite près de Waterloo et il y a pas mal de choses qui s’y font. Les troupes jouent dans des centres culturels. La plupart du temps, elles reprennent des pièces à succès du répertoire professionnel, comme les pièces policières d’Agatha Christie ou les vaudevilles de Marc Camoletti : c’est sans doute plus confortable dans la mesure où il y a déjà une base solide. Dans le cas d’une création on est deux fois plus en danger : une pièce qu’on écrit soi-même, on y met une grande part de son âme, l’investissement émotionnel est beaucoup plus intense.

Selon vous, qu’est-ce qu’un comédien amateur devrait toujours garder en tête ?

Tout d’abord, il faut continuer à s’amuser : c’est le plus important. Et c’est important aussi de prendre conscience que le théâtre c’est un tout : il n’y a pas que le texte, il y a aussi le travail sur le jeu du personnage, le travail sur l’espace, mais aussi une scénographie adaptée au texte.

Parlez-nous de la pièce que vous avez écrite et mise en scène, Honora

À la base, c’est l’adaptation d’un film de Peter Jackson,Créatures célestes. L’histoire est inspirée d’un fait divers dramatique des années ’50 : deux adolescentes de 14 et 15 ans qui ont assassiné leur mère en Nouvelle-Zélande ; la mère s’appelait Honora. J’ai repris l’esthétique du film, j’ai travaillé le texte en intégrant des extraits du journal intime d’une des deux filles - journal intime que j’ai trouvé sur Internet - et j’ai inventé toute une relation entre les personnages.

La vie théâtrale à Mons vous semble-t-elle intéressante ?

Ce que j’aime bien à Mons, c’est qu’on ose beaucoup de choses nouvelles. Les créations modernes et contemporaines, ça fait parfois un peu peur mais moi, personnellement, j’adore.

Comment envisagez-vous l’avenir du théâtre face à la concurrence des nouveaux médias ?

Le théâtre s’adapte, il devient hybride : quand on va au théâtre maintenant, on voit de plus en plus de la danse, du mouvement, du film, de la marionnette. Au lieu d’avoir du théâtre « à l’ancienne », on a tous les arts sur scène. Le théâtre est le miroir de la société : on joue avec des écrans parce qu’on est toujours devant des écrans ; on joue sur la vitesse et le rythme parce que c’est ce qui caractérise notre époque. Le théâtre ne va jamais mourir, il va continuer à se transformer comme il l’a toujours fait.

Propos recueillis par Jérémie Brasseur

 

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de gauche à droite : Nadège Florin - Caroline Bogaerd - Olivier Vandernoot - Françoise Coton - Jérémie Brasseur - Nathalie Nihoul - Pascale Leroy - Sandrine Vansnick - Marie-Bérengère Etienne - Nathalie Mauroy - Jean-Pascal Giacometti